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5 avril 2012 4 05 /04 /avril /2012 13:19

 

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Lorsqu’une communauté d’hommes partage des années de vie sur un territoire donné, on peut s’attendre à ce que naisse parmi ses membres la conscience d’appartenir à une histoire commune, mais aussi des habitudes et reflexes spécifiques. De même, ils se reconnaitront autour des mêmes valeurs. Or c’est depuis 1885 à la Conférence de Berlin qui créa l’Etat Indépendant du Congo (EIC), propriété du roi des Belges Léopold II, que nous, Congolais, vivons sur un même espace géographique, sommes régis par les mêmes lois et soumis aux mêmes autorités politiques. Cet itinéraire commun ne peut que nous " formater " d’une manière particulière suite à l’interaction de nos liens, l’influence des uns sur les autres ou simplement à cause de la durée de ce parcours. Ainsi, au-delà de nos différences perceptibles par exemple entre cet habitant de Likasi (Katanga) et celui de Boma (Bas-Congo), ou entre un Nande d’un Otetela, qu’y a-t-il de commun ou de particulier au Congolais? Existe-t-il une spécificité congolaise? Ebauche de réponse.

 

Le Congolais est-il fâché avec les livres? En général, il est rare de trouver des livres au domicile du Congolais moyen. Bien sûr, cela ne signifie pas que les bibliothèques ne figurent pas parmi nos mobiliers ; c’est que lorsqu’elles sont disponibles, elles contiennent plutôt la vaisselle que les livres! Motif invoqué pour justifier cet apparent manque d’attrait pour la lecture: " Les livres coutent cher! " ou " Dans les conditions de survie quotidienne qui nous caractérisent, il faut bien se faire des priorités  et les livres n’en font pas partie! " A nous entendre, précarité ne rime pas avec culture…

 

Faudrait-il croire à la sincérité de ces assertions? Si oui, que dirions-nous du Congolais de l’étranger qui ne vit pas dans les " conditions de survie " ambiantes au pays? Est-il courant de trouver des livres au domicile du Congolais de l’étranger ou de le voir fréquenter les bibliothèques publiques des pays où il vit, lesquels dont l’inscription est gratuite pour la plupart? Il est clair que l’on ne peut généraliser la situation car les étudiants, les professeurs d’université et autres compatriotes actifs sur la blogosphère lisent et se cultivent. Il n’empêche, au regard de l’attitude générale face au livre, avouons qu’ils constituent une minorité.

 

D’ailleurs, un indicateur révélateur de l’ampleur du drame n’est rien d’autre que cette tendance du Congolais de citer des extraits de chansons locales pour appuyer ses arguments plutôt que de se référer à un célèbre auteur comme cela se fait sous d’autres cieux. D’où ces expressions souvent entendues chez nos compatriotes : " Simaro Lutumba ayembaki boye " [ "Lumumba Simaro avait chanté ceci" ] ou " Franco alobaki  " [ "Franco avait dit ceci" ] . Il est possible que l’on retrouve une certaine sagesse dans certaines de nos chansons, mais quel crédit devrait on accorder aux saltimbanques qui écrivent des textes de chansons avant tout pour divertir leur audience, contrairement au sérieux des auteurs de livres?

 

Le Congolais, francophone ou lingalaphone? Notre pays a beau être qualifié de " francophone " et " le premier " d’entre eux en termes du nombre d’usagers de la langue, personne n’est dupe car la réalité est à mille lieux de ces affirmations. Nous avons pratiqué la langue de Molière voilà des décennies et les institutions d’enseignement supérieurs délivrent des centaines de diplômes par an, cependant, le Français reste un luxe chez-nous à cause de plusieurs facteurs : baisse de l’enseignement, manque d’attrait pour la lecture, absence d’encouragement à la pratique de la langue, etc. Dès lors, quoique décrétée "langue officielle" et par conséquent langue de l’Administration publique, c’est la "langue de l’armée" [le lingala] qui a fini par prendre le dessus au point de devenir le point de ralliement de nos compatriotes du pays comme de l’étranger. A Cape Town par exemple, les Congolais s’identifient eux-mêmes par l’expression " Bato ya mangala " ["ceux qui s’expriment en lingala"] et ce, qu’ils proviennent du Kivu ( où le Swahili est la langue courante ) ou le Kasaï ( où l’on parle Tshiluba).


A l’arrivée de l’AFDL cependant, il s’est remarqué une nouvelle tendance : on délaissait de plus en plus le Lingala pour le Swahili, langue des "nouveaux maitres", mais celle-ci s’est révélée plutôt éphémère. L’une des raisons expliquant cette marche en arrière réside sans doute dans le fait que nos "libérateurs" semblaient vouloir imposer "leur" langue d’autorité. Ce fut une erreur car la IIème République ne nous avait pas force a utiliser le Lingala : la musique congolaise est essentiellement chantée en Lingala et le congolais l’aime bien. Ensuite les militaires, d’où qu’ils viennent, s’expriment en lingala. Enfin l’ex Président-Fondateur du MPR était un tribun et le congolais moyen prenait plaisir à l’entendre s’exprimer. Avec le temps, le congolais a fini par intérioriser le lingala et l’a accepté, malgré ses insuffisances. Cela, les AFDListes l’oubliaient, d’où le rejet du Swahili qui reste en RDC une langue secondaire…


Le Congolais, un hédoniste? Que le Congolais est fêtard, cela est perceptible dans la panoplie de fêtes que nous observons régulièrement : naissance, mariage, deuils, 40ème jour, anniversaires, baptême, collation des grades académiques, etc. La présence de si nombreux bistrots dans nos cités et quartiers  et le fait que les brasseries "Bralima" et "Unibra" figurent parmi les entreprises les plus prospères en sont d’autres raisons. A écouter la radio et télévisions une constance crève les yeux : la musique y est diffusée en boucle, de jour comme de nuit.


Avec le temps, l’hédonisme a fini par nous caractériser. Les modèles pour nos jeunes ne sont plus des personnalités morales d’envergure ni des sommités intellectuelles mais des vils artistes-musiciens. Ces mêmes jeunes qui consacrent des heures à débattre à propos de ces artistes-musiciens : à propos de la dernière marque de voiture de la Werasson, la prochaine tournée de JB Piana ou des démêlées judiciaires de Koffi Olomide. Dans nos bidonvilles autant que sur nos cités universitaires, c’est pareil.


S’il est vrai que chaque peuple du monde se divertit, il n’est pas moins vrai que c’est notre propension à passer de longues heures à palabrer ou ne rien faire (quelle qu’en soit la raison, le chômage ou autre chose) qui est alarmante. A ce sujet, feu le président Marien Ngouabi du Congo voisin enjoignait ses compatriotes qu’il jugeait "fainéants" à traverser le fleuve Congo et venir chez-nous où le slogan mobutiste " Heureux le peuple qui chante et qui danse " était de mise. A voir ce qui se passe, nous n’avons pas vraiment changé depuis…


Sommes-nous jamais gênés par le bruit? Kinshasa demeure la destination favorite des candidats à l’exode rural en RDC. Cette ville-dortoir de 7 millions d’habitants se réveille et se couche dans le bruit. Si ce ne sont pas les débits de boissons qui déversent de décibels de musique aux alentours dans une cacophonie indescriptible ou des moulins à farine qui tournent à plein rendement le jour, ce sont des veillées de prière  d’où émanent chants et bruits de tamtams qui trouvent le sommeil des populations, les  privant de toute quiétude.


C’est dans ces conditions que naissent et grandissent nos enfants, accompagnés par cette nuisance sans que les autorités, lesquelles vivent souvent dans les quartiers huppés dépourvus de pollution sonore,  s’en émeuvent. Les autres villes du pays ne sont pas mieux loties et la population fait avec malgré elle. De même, cela est notoire : le Congolais, qu’il soit dans un taxi, dans un bus ou au téléphone, seul ou entoure d’étrangers, se signale par une autre caractéristique, le bruit ! Et ce, que ce soit a Lubumbashi, Kisangani ou Pretoria. Pareillement lorsque nous taillons bavette : c’est a haute voix que nous le faisons. Le savons-nous? ( A suivre ).

 

  

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