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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 11:43

 

http://www.radionet.cd/wp-content/uploads/2011/10/Temps-de-parole-équitable.jpg

 

 

Elle est de loin, l’émission-phare de Radio Okapi, le media 5 étoiles dans le contexte congolais : un cadre idéal, une diffusion jamais interrompue par le gouvernement, une couverture du territoire national, la connexion internet assurée, des journalistes "motivés’" … Pour se  convaincre de son impact, il n’est qu’à voir y défiler tout  le gotha politico-intellectuello-médiatique local de lundi à vendredi. Mais le problème avec "Dialogue entre Congolais" est que malgré les bonnes intentions affichées, un auditeur averti restera toujours sur sa soif à la fin de l’émission, comme une symphonie inachevée. Du coup, l’émission apparait comme un miroir, mieux un baromètre de notre parcours démocratique, avec ses avancées et ses ratées…

 

L’impartialité des journalistes suffit-elle ? Que ceux qui sont blasés de l’esprit partisan des hommes de media congolais se rassurent : en tournant le bouton sur Radio Okapi on trouvera au moins des gens qui font honneur à leur motto d’être une "radio impartiale". En principe même temps de parole aux invités et d’équilibre dans le choix des invités, absence de partis-pris chez les animateurs. C’est à faire pâlir d’envie la RTNC qui depuis des années a cessé d’être la "radio du peuple" pour devenir une "Radio PPRD" ! Soit. Mais l’impartialité est-elle le seul critère de professionnalisme journalistique ?

 

A voir comment Alain Irung s’y prend avec ses invités, nul besoin d’être très futé pour constater qu’il lui arrive de survoler le thème de l’émission par une préparation minimale au point qu’il s’en sort en se servant subtilement des arguments ou observations des uns pour en faire des questions aux autres. Exemple : "Monsieur Untel a dit ceci, qu’en pensez-vous ?" Que cela soit sporadique, quoi de plus normal, mais en faire une méthode d’interview, cela finit par lasser et trahit une préparation minimaliste !

 

Dans ces conditions, le bilan du gouvernement Muzito apparait à beaucoup  comme un succès et M. Mwando Nsimba, informateur du gouvernement devient "une forte personnalité et un homme d’expérience" ! Et pourtant, on a beau fouiller notre histoire politique, on ne trouve aucun haut fait à mettre au mérite de l’intéressé, mis à part qu’il fut un de ces caciques du mobutisme, ce qui est plutôt banal.

 

L’émission "Appels sur l’actualité" sur RFI qu’anime Juan Gomez pourrait bien nous servir de modèle. Après qu’il ait enregistré les questions, M. Gomez effectue des recherches approfondies au point de paraitre maitriser autant sa matière que le journaliste ou spécialiste invité pour répondre aux auditeurs. C’est simplement du professionnalisme. En veillant à faire de même, Alain Irung pousserait ses invites à bien se préparer, sachant ce qui les attend au cas où …

 

Contrairement à ses habitudes  (équilibre dans le choix des invités) c’est à une incongruité qu’il nous a été donne de suivre le 14/2/2012, jour de la condamnation de Thomas Lubanga, leader de FPC par la CPI. Face au représentant de parti cité il y avait deux juristes soutenant les vues de la CPI : Professeur Kabamba et M. Mushapata. Le débat était faussé. Alors que tous les media sérieux faisaient participer aussi des historiens et politologues afin d’élargir les vues des auditeurs, Alain Irung nous convia à un examen purement juridique du cas Thomas Lubanga.  Sachant que Radio Okapi est une radio onusienne et que la CPI est un organe de l’ONU, ceci explique-t-il cela ? Pouvait-il être juge et partie ? Ce fut simplement un manque patent d’objectivité de la part d’Alain Irung…

 

Ministres : entre arrogance et langue de bois. Le 12 mars dernier, le ministre Lambert Mende déclarait au "Dialogue entre Congolais" que "le bilan du gouvernement Muzito était globalement positif" et que pour cela  "seules les personnes de mauvaise foi pouvaient nier les avancées certaines". On s’attendait à ce qu’il étaye ses propos mais il se perdit en conjectures. Plus cynique que lui, tu meurs ! Combien d’emplois créés en 5 ans : 1000 ? 100000 ? 1000000 ? De quel pourcentage la pauvreté a-t-elle été réduite chez-nous ? Combien de kilomètres de routes bitumées ou de maisons sociales construites ? Silence radio. Lorsque M. Mende conclut par dire "qu’aujourd’hui il fait bon vivre au Congo qu’il n’en était il y a dix ans" sans être démenti ni par le journaliste (pour cause d’objectivité ou d’impartialité ?) ni par ses adversaires politiques (complaisance ou incompétence ?), on constate du coup à quel point nous faisons du sur-place depuis 50 ans d’indépendance.

 

Messieurs les ministres semblent s’être passés le mot : le mensonge est devenu la meilleure stratégie politique. Exemple : Alain Irung : M. le ministre, y a-t-il actuellement une crise électorale au Congo ? Réponse : Non, il n’existe pas de crise politique en RDC. Question : Donc pour vous tout va bien au pays ? Réponse : Ce n’est pas ce que j’ai dit. Certes il y a des petits couacs mais les institutions fonctionnent normalement. Dès lors, à quoi sert-il d’écouter ces excellences-menteurs ? N’ayant pas en face d’eux ni des adversaires politiques bien au fait de leurs dossiers ni acculés dans leurs derniers retranchements par les journalistes mieux préparés, il ne reste à messieurs les ministres qu’à étaler toute l’arrogance et leur suffisance de ne pas avoir des comptes à rendre aux populations.

 

Les opposants : mais où sont les "debaters " ? Ce n’est pas demain que le paysage politique congolais nous offrira des débats politiques d’envergure et d’où nous apprendrons beaucoup. Est-ce causé par la baisse de l’enseignement dans notre pays, par l’incompétence des intéressés ou par la méconnaissance des vertus de la communication politique ? A quelques exceptions près, ce sont des débats de seconde catégorie qu’il nous est donné de suivre sur Dialogue entre Congolais, comme des films de série B.

 

Ailleurs, quand un politicien est invité à un débat politique par un grand media il y met tout le sérieux possible, sachant que les retombées de l’émission sont certaines : une bonne prestation pourrait accroitre sa notoriété et lui servir de tremplin politique. Nul besoin d’une motivation supplémentaire pour mieux s’y préparer. Faire un réquisitoire du régime en place est bien facile, mais il est plus difficile d’argumenter, fournir des preuves, persuader… Sait-on la politique alternative de l’opposition dans les domaines de l’enseignement, la politique étrangère ou l’agriculture ?  En attendant que l’on y arrive, où sont ces "debaters" qui rendront ces émissions riches et intéressantes ?

 

Professeurs : rien que des appels de pied au pouvoir ? A voir ce qui se passe en RDC, la réussite pour un Professeur ne rime pas avec une reconnaissance scientifique mais plutôt… un poste ministériel ! Autrement la plupart de ces messieurs qui se succèdent chez Alain Irung ne lorgneraient pas dans une seule et unique direction : vers le pouvoir. Bien sûr, ils le font de façon si subtile qu’à priori leurs intentions pourraient être perçues pour ce qu’elles ne sont pas : innocentes. Il y a peu, le Professeur Bob Kabamba (Louvain), pourtant politologue, a jugé bon de ne se borner qu’à une simple lecture juridique de la loi pour en déduire que l’épée de Damoclès était suspendue sur la tête des députés-élus de l’UDPS "qui risqueraient de perdre leur mandat à l’Assemblée Nationale s’ils s’absentaient après certaines sessions". Feint-il d’oublier la ligne de la formation politique à laquelle ces députés appartiennent ? Peut-on à la fois décréter les élections "nulles" et envoyer ses députés siéger au sein des institutions issues de ces "élections frauduleuses" et être pris au sérieux ? JP Bemba avait-il perdu son siège de sénateur au terme du ROI du Senat après une absence prolongée ?

 

Un autre Professeur (Louvain et Butembo) soutenait récemment au cours de l’émission que "l’organisation en soi des élections était une avancée majeure", omettant volontairement d’épingler les conditions catastrophiques dans lesquelles elles se sont déroulées. Pour lui, la fin justifiait les moyens ! Plusieurs semaines plus tôt, c’était au tour de Mwabila Tshiyembe (Liège) de vouloir nous convaincre que "la CENI ne pouvait pas engager le gouvernement". A ses yeux, cette institution était bel et bien indépendante et c’est un procès d’intention qui lui est fait !

 

De cela il serait intéressant de se poser la question : pour qui roulent ces Professeurs ? Quoiqu’il en soit, il est difficile de falsifier notre histoire commune, notre pays comptant aussi des intellectuels qui agissent comme des vigiles… Hier déjà, feu General Mayele se gaussait de "la République des Professeurs", allusion à un gouvernement sous Mobutu composé exclusivement des technocrates qui ne réussirent pas à nous sortir de l’ornière. Ces apparents appels de pieds faits au gouvernement semble indiquer qu’ils n’ont pas tire la leçon du passé.

 

Où sont les étudiants ? Si vous êtes de ceux qui se plaignent de ne pas apprendre grand-chose sur la blogosphère congolaise (à part les rumeurs, injures et réquisitoires à l’égard du gouvernement qui s’y trouvent), vous resterez sur votre soif en écoutant les commentaires envoyés à "Dialogue entre Congolais" par les auditeurs (sms, mails ou appels). Avouons-le, ils sont plutôt plats et banals car venant de l’homme de la rue… On a beau chercher les étudiants de nos universités mais ils sont pointés aux abonnes absents.

 

Les universités de Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani ayant des Facultés des sciences sociales (Sciences politiques, diplomatie, Droit, Sociologie etc.) il serait mieux de tout faire, même délocaliser certaines émissions dans des amphithéâtres des cités universitaires pour les faire participer à la vie publique de leur pays. Peut-on prétendre être intellectuel et ne pas suivre la marche quotidienne de son  pays ? Il est curieux qu’une émission éminemment politique ne les interpelle pas. Alors que les universités congolaises ont déserté les "classements annuels des 100 meilleures universités africaines", il y a de quoi s’alarmer.

 

 

A cause de la mauvaise foi des politiciens au pouvoir (arrogance et volonté délibérer de mentir), du manque de maitrise de dossiers par les opposants et du désir de certains Professeurs de se servir de l’émission comme un tremplin politique, sans oublier une préparation approximative des animateurs, la vérité transparait rarement de   "Dialogue entre Congolais" . Du coup l’émission n’est plus ou moins qu’un miroir grossissant de notre enlisement démocratique : nous disposons pourtant des atouts mais pataugeons. Cependant, mieux préparés, les intervenants (journalistes et invités) contribueraient à l’éclat de notre jeune démocratie. Aborder aussi des thèmes à même d’interpeller les étudiants congolais les aiderait-ils à sortir de leur torpeur ?

 

 

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